Le bonheur? Une pratique...


La «psychologie positive» se penche ainsi sur tout ce qui fait que la vie mérite d’être vécue. Plutôt que de se concentrer sur la violence ou le mal-être, elle explore la force de caractère, l’altruisme, la clémence ou l’esprit civique dans l’optique clairement affichée de fonder une «science du bonheur». Il s’agit en quelque sorte de s’entraîner à voir le verre à moitié plein, se forger une solide confiance en soi, apprendre à éprouver empathie, bienveillance ou paix, sortir de «l’impuissance apprise», bref, éviter ce cercle vicieux typique de la dépression qui résulte des échecs et sape de plus en plus la capacité à rebondir.

Il faut dans cette optique cesser de croire que le bonheur est affaire de chance ou de destin, renoncer à le chercher là où il ne peut se trouver, que ce soit un nouvel amour ou une nouvelle voiture. La psychologie positive vous apprendra à exprimer votre gratitude, à vous émerveiller, à apprécier ce que vous avez, à vous réjouir de ce que vous vivez, à pratiquer de petits actes de générosité, à apprendre à pardonner. Et surtout à éviter de vous comparer à autrui et à cultiver consciencieusement l’amitié….

Et comme pour toute thérapie, le secret de la réussite, c’est de l’appliquer ! Tout ceci semble pétri de bon sens, et donne vaguement le sentiment que, comme d’habitude, il vaut mieux être riche et bien portant que pauvre et malade. Mais une chose est sûre : nous ressentons naturellement davantage d’émotions négatives que positives. Dans les études où les gens doivent citer le maximum d’adjectifs pour décrire leurs états d’âme, on obtient trois quarts de termes négatifs pour un quart seulement de positifs. Les émotions négatives comme la méfiance, la haine ou la réticence ont un avantage adaptatif et sont indispensables la survie, mais elles nous fragilisent et grignotent notre joie de vivre. Il suffit d’augmenter les états d’âme positifs, et aussitôt la créativité, l’esprit de synthèse, la curiosité vont bondir.

L’autre bon point est dans cet appel à autrui. Il me semble bien que davantage que «qui suis-je» la question contemporaine serait plutôt «qui est l’Autre, et qu’en faire ?». Quand Saint Augustin, Rousseau ou Levi-Strauss dissertent du bon usage permettant de s’accommoder d’autrui, ils verront, qui dans l’amour chrétien, qui dans l’institution du contrat social ou dans l’obligation de l’échange, divers moyens d’établir des relations pacifiées entre des communautés humaines autrement enkystées et potentiellement antagonistes.
Le bonheur trouve certainement sa réponse dans le «Nous» et non dans les atermoiements d’une collection d’individualités isolées.
S’atteler à la restauration d’un lien social bien malmené voilà une tache qui nous permettra peut-être d’en approcher cette année…

P.S. Rachida Dati est–elle heureuse ? la presse entière a l’air de se poser cette question en universalisant sa situation (qu’est-ce qui rend une femme heureuse ? qu’est qui rend une mère heureuse ? donne-t-elle un bon ou un mauvais exemple?…). Tout le monde semble marcher sur des œufs avec des réponses de Normand, comme si le fait d’être ministre, d’être riche et entourée de personnel ne l’emportait pas sur le fait d’être femme…

• Serge Hefez • (Liberation.fr)

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